Voici une histoire arabe qui m'a beaucoup fait réfléchir...

[Crédit photo.: lou & magoo, sous licence Creative Commons]

Un khalife cruel avait la manie de proposer des paris qu'il était certain de gagner. Un jour, il lança un défi impossible : il paria que nul ne pouvait déplacer un immense tas de briques, d'un bout à l'autre de la cour du palais, avec ses seules mains, avant le coucher du soleil. Celui qui relèverait le défi remporterait dix jarres d'or s'il réussissait, mais aurait la tête tranchée en cas d'échec.
La tâche paraissant clairement impossible, personne ne voulut parier. Personne sauf un jeune maçon qui demanda l'établissement d'une règle supplémentaire : le khalife pourrait arrêter le jeu à tout moment, mais devrait alors donner une jarre d'or au maçon. Le khalife accepta et le pari fut tenu.
Le jeune maçon fit donc des allers-retours dans la cour, emportant les briques d'un endroit à un autre. Le tas était immense, la cour vaste. Pourtant, le maçon souriait, comme s'il était certain de gagner.
Ce sourire perturbait le khalife : il semblait clair que le maçon ne pourrait jamais déplacer toutes les briques dans le temps imparti et qu'il serait donc exécuté. Il interrogea le maçon sur sa bonne humeur. Le maçon lui répondit qu'il était heureux car il était certain de gagner, car le khalife avait oublié une chose d'une très grande simplicité.
A mesure que le temps passait, le doute s'insinua dans l'esprit du khalife : pouvait-il perdre? Y avait-il une astuce à laquelle il n'avait pas songé ?
Il convoqua ses conseillers mais ceux-ci ne purent l'éclairer.
A mesure que les ombres s'allongeaient, l'angoisse du khalife augmentait. Il ne cessait de s'interroger : pouvait-il réellement perdre? Le tas de briques semblait à peine entamé et la nuit ne tarderait pas à tomber...
Mais ce sourire le faisait douter... Un homme qui sait que sa mort est proche ne pourrait jouer ainsi la comédie...
N'y tenant plus, le khalife demanda l'arrêt du jeu et s'empressa de demander au maçon ce qu'il avait oublié. Avare, il ne voulait pas prendre le risque de perdre ses dix jarres d'or.
Le maçon lui répondit qu'il n'avait pas accordé assez d'attention à la condition qu'il avait demandée : pour le maçon qu'il était, une jarre d'or était une grande richesse, et c'est elle qu'il visait depuis le début, non les dix jarres proposées initialement par le khalife.
Mais ce dernier ne comprenait toujours pas : Pourquoi le maçon était-il certain de gagner ? Qu'avait-il pu oublier de si simple et pourtant de si important ?
Le maçon lui répondit : "Tu as perdu, car tu as oublié que tu pouvais perdre confiance en toi-même."
Il laissa le khalife, prit son or et partit...

D’après « Le pari du khalife »
De Jean-Claude Carrière in Le Cercle des menteurs (Pocket, pp.282-285)

Mon interprétation :
Nous sommes parfois semblables à ce khalife. Nous nous lançons dans un projet, certains d'atteindre notre but. Et, alors que la raison nous dit que nous ne pouvons que réussir, un petit grain de sable vient enrailler la machine. Quelque chose nous fait douter de l'issue de notre projet (ici, le visage souriant du maçon).
Tout nous crie qu'il n'y a aucune raison de s'en faire, mais l'inquiétude grandit. Et plus l'esprit se focalise sur ce qui nous perturbe, plus nous sommes persuadés que quelque chose ne va pas. Nous perdons confiance en nous, nous perdons nos moyens et c'est alors que nous échouons..

[Texte] L'important, c'est...

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